Pierre Raffanel : Merci à vous de nous accorder de votre temps, de votre disponibilité…
C215 : C’est avec plaisir !
PR : Pourquoi ce nom C215 ?
C215 : Par hasard, ça n’a aucun sens. A la base, le street art est souvent lié à l’anonymat avec beaucoup de références à l’univers des codes et de tout ce qui peut être crypté.
PR : Vos débuts d’artiste ?
C215 : C’est mon entourage qui m’a encouragé. Je n’ai pas de formation, je suis autodidacte.
PR : Votre notoriété, comment vous l’appréhendez ?
C215 : Si j’avais su, ça m’aurait drôlement impressionné !!
PR : Ah bon ! mais satisfait quand même ?
C215 : Bien sûr je suis content, mais parfois j’ai quelques regrets, notamment avec le recul je n’aurais pas donné mon vrai patronyme pour préserver ma sphère privée…
PR : Vos œuvres sont-elles à « messages » ?
C215 : Non pas de réelle logique qui se répercute d’une œuvre à une autre, mais plutôt une logique basée sur mon outil de travail principal, mon scalpel : je passe le plus clair de mon temps à découper mes pochoirs à la main…en ce moment, je suis content d’avoir retrouvé une forme de spontanéité de mes débuts, avant d’être professionnel ; je travaille avec moins de contraintes qu’avant.
PR : Comment abordez-vous votre travail créatif d’artiste urbain ?
C215 : J’aime être libre dans l’approche, dans l’espace-temps…dans la rue : vous peignez, vous partez, après votre toile elle est détruite, abimée, effacée… vous n’êtes pas confronté à une validation, à une humiliation.
PR : Justement, que pensez-vous des vols de street art, par exemple des boîtes aux lettres ,qui deviennent monnaie courante depuis quelques années ?
C215 : Ça m’embête surtout pour La Poste et pour les usagers ! Si je fais une œuvre dans l’espace public, c’est pour qu’elle profite à tous. Mais je trouve attristant que l’œuvre fasse l’objet d’une convoitise liée à une marchandisation .
PR : Pour La Poste, vous avez déjà créé plusieurs timbres , une série de portraits pour la Croix-Rouge française entre autres, avez-vous un projet en cours ?
C215 : Oui, le portrait de Paul-Emile Victor pour pour le territoire des Terres australes et antarctiques françaises. Je crois à la fonction caritative du timbre qui permet de donner à des causes ou à des associaitions.
PR : Quelles sont vos influences, vos artistes références ?
C215 : Avec le temps, j’ai l’impression que c’est Ernest Pignon Ernest. Si je devais en citer d’autres je dirais Ben Vautier, Le Caravage et Banksy.
PR : Avez-vous déjà collaboré avec d’autres artistes ?
C215 : Un peu mais de moins en moins. Mes créations sont de plus en plus orientées par des considérations de société, d’opinions. Ce n’est pas évident de s’associer avec un autre artiste sur une œuvre commune et de suivre le même message, d’être sur la même « ligne »…
PR : L’art urbain est-il « en opposition » à la peinture et aux peintres « traditionnels » ?
C215 : Non, c’est juste une évolution des techniques par exemple l’utilisation de la bombe aérosol et aussi le dispositif multimédia, internet qui a fait évoluer la représentation.
PR : D’accord mais l’approche est sensiblement différente tout de même ?
C215 : Oui car tout est intégré dans l’œuvre elle-même, sa diffusion virale sur internet, sa diffusion dans l’espace public avec les personnes qui vont s’approprier l’œuvre avec les photos. C’est pensé autrement.
PR : Peut-on parler d’une « démocratisation » de la peinture ?
C215 : On peut dire ça, en tous cas il y a moins d’intermédiaires.
PR : L’art urbain et le droit d’auteur, à qui appartiennent les œuvres de street art ?
C215 : Les objets, les supports sur lesquels je peins appartiennent à leurs propriétaires. L’œuvre est protégée par le code de la propriété intellectuelle même si elle est peinte sans autorisation. Souvent il y a un accord avec l’artiste et le propriétaire « patrimonial » du support de l’œuvre (mur, boîte aux lettres, porte, bornes…).
PR : Quelles sont vos méthodes de travail et comment vous définiriez-vous ?
C215 : Essentiellement comme un portraitiste. J’effectue en amont un travail préparatoire sur le modèle à l’aide de pochoirs. Puis suivant le support, le temps qui m’est donné par le commanditaire, le projet, j’utilise différentes techniques mais la bombe aérosol reste mon outil principal.
Post de Pierre Raffanel
Extrait de la revue Post'Art novembre 2020
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